8/22/2008

Voici donc la guerre…



Il y a une guerre en Afghanistan, et cette guerre tue. Nous devons aux soldats du 8e RPIMa qui y ont trouvé la mort les armes à la main de réfléchir à ce que cela signifie. Nous devrions d'ailleurs nous abstenir de parler de leur «sacrifice» avant d'être sûrs des raisons de leur mort. Nous ne devons pas d'abord aux soldats tombés l'émotion et les larmes, mais l'effort de l'intelligence et celui du souvenir, afin de pouvoir leur rendre lucidement les honneurs qui leur sont dus.

Ces morts devraient nous apprendre à nous méfier de ces mots trop grands, trop vagues, que nous répétons à l'envi. Il n'y a pas de «présence française» dans un monde guetté par le chaos qui ne soit susceptible d'entraîner la mort de nos soldats: par dizaines aujourd'hui, par centaines peut-être demain. Il n'y a pas de participation effective à la lutte du monde libre contre le terrorisme qui puisse être assurée aujourd'hui sans le risque de telles épreuves. Il n'y a pas de «rang», de «place» de la France qui puissent être maintenus sans comporter, à la fin, ces souffrances-là.

Pour tous ceux qui ont combattu, ou qui ont assisté à des combats, il existe un écart angoissant, presque physiquement palpable, entre les mots de la diplomatie, ou pire, de la communication politique, et la mort de camarades que l'on connaît par leurs noms, sans même parler de ce que l'on tait presque toujours par pudeur : l'atmosphère de la guerre, cette attente, cette peur, ce courage, ce temps suspendu, et le sang, et pire encore, qui en font le souffle haletant d'un enfer gris.

Voici donc la guerre. Les seules questions qui vaillent sont donc celles de ses raisons et celles de sa conduite, c'est-à-dire des chances de l'emporter. S'il n'y est pas répondu, l'écart dont je parlais n'est pas supportable longtemps, ni pour les hommes, ni pour le commandement, ni pour les dirigeants politiques.

S'il existe en Afghanistan des raisons de se battre et des chances de vaincre de se battre, et non pas d'assurer, abstraitement, une «présence» limitée aux communiqués de la publicité politique , alors il faut se préparer à cette guerre, qui sera dure comme elles le sont toutes. Il faut se préparer aux embuscades, aux revers, aux morts nombreux d'une guerre, et ne pas s'en étonner avec cette inconscience de vieux enfants qui est souvent la nôtre, qui découvrent avec surprise que le reste du monde ne joue pas.

Alors il faut que les troupes s'entraînent, que le commandement commande et que les politiques fassent des choix, y compris budgétaires, qui correspondent à la réalité des engagements. Alors il ne faut pas se demander à chaque épreuve si les morts ne sont pas morts «pour rien», si tel objectif limité justifiait les pertes, si l'on n'aurait pas pû procéder autrement. Dans une guerre, les soldats qui tombent dans les batailles décisives ne sont pas plus nombreux, et cela ne signifie nullement que la mort des autres ait été vaine. La nation doit autant au dernier tué de la Grande Guerre qu'aux morts de Verdun.

La grandeur, où il entre beaucoup d'humilité, du métier de soldat vient précisément de cette acceptation volontaire, par chacun, des combats parfois douteux, de la mauvaise fortune, des hasards de la guerre. Mais pour que ceux-ci soient pleinement assumés, le soldat doit pouvoir penser que les combats limités auxquels sa vie est suspendue participent d'un dessein, d'une politique d'ensemble auxquels le destin de la nation, même pour une part, se trouve lié.

La question de savoir si, pour l'Afghanistan, la stratégie de l'Otan est la bonne et si elle correspond à nos intérêts dépasse ma compétence. Je sais simplement que s'il n'est pas possible d'y répondre de manière convaincante, aucun effort de guerre durable ne pourra être poursuivi. Le soldat peut mourir, mais pas en victime de la figuration internationale. Il n'est pas quant à lui un acteur qui pourrait quitter la scène en excipant de doutes soudains sur la qualité de la pièce. Qu'il soit, comme on dit dans le vocabulaire moderne, un «professionnel» n'y change rien. Sans doute s'est-il voué de lui-même à ce métier au bout duquel il peut trouver la mort. Mais il n'a pas signé pour mourir autrement qu'au service de son pays dans une guerre susceptible d'être gagnée, cette victoire dût-elle être davantage politique que militaire.

Je suis sûr que nos gouvernants ont pris la mesure de cette exigence-là, qui leur incombe et à eux seuls. Je n'ai pas d'autre titre à espérer qu'ils l'aient fait que celui d'avoir, un court moment, partagé là-bas la vie de ces hommes admirables dont les voix se sont tues, et auxquels j'aimerais prêter la mienne si elle ne tremblait pas.

***

Esta pieza publicada en el conservador Le Figaro ha sido recomendada desde Secret Défense en el periódico "rojo" Libération. Hay ecos en ella de Bernanos, de su Journal d'un Curé de Campagne, con aquel personaje del bala perdida que encuentra en la Legión Extranjera, durante las "campañas de pacificación" de Marruecos, un sentido de vida rechazando al tiempo la guerra tecnificada y la paz tecnocrática. Bernanos, ese católico derechista sin tacha, autor también de Los grandes cementerios bajo la luna (1938) relato de Mallorca en los primeros meses de la guerra civil española, obra con la que avisó a Francia sobre la intrínseca maldad del fascismo, tanta como la del comunismo, tanta como la del anarquismo... Él vivía en la isla y su hijo se sumó a la Falange... "aquí fusilan como si talaran"...


No hay comentarios: